Mémoires de Fécamp

Sur les traces de Jean Lorrain

4–5 minutes

Table des matières

  1. Introduction
  2. Vie de Jean Lorrain
  3. Jean Lorrain et Fécamp
  4. Un artiste controversé
  5. Conclusion

Introduction

Plusieurs sources permettent d’étudier la vie de Jean Lorrain à Fécamp : des documents d’archives, notamment le fonds Duval/Lorrain aux archives de Fécamp, le n°3 des Annales du patrimoine de Fécamp de 1996, et des actes d’état civil. De plus, on peut trouver des informations dans les Cahiers Jean Lorrain publiés entre 1997 et 2002.

Garino, « Jean Lorrain », 1901, Musée des Pêcheries de Fécamp

Vie de Jean Lorrain

Jean Lorrain, de son vrai nom Martin Paul Alexandre Duval, était un écrivain français né à Fécamp en 1855 et décédé en 1906. Il est connu pour ses romans, poèmes et chroniques, souvent caractérisés par une critique acerbe de la société bourgeoise et une exploration des mœurs extravagantes de son époque. Son œuvre explore souvent le contraste entre la reconnaissance littéraire et le mépris moral.

Jean Lorrain était le fils de Martin Duval, un armateur de Fécamp, et de Pauline Mulat. Il a reçu une éducation classique dans des lycées prestigieux. On peut supposer que, malgré ses critiques envers la bourgeoisie, il restait attaché à sa famille, comme en témoignent les lettres qu’il écrivait à sa mère.

Après la mort de son père, Martin Duval, en 1886, Jean Lorrain hérite de l’ensemble des biens, sa mère, Henriette Mulat, ayant renoncé à ses droits. Entre 1886 et 1905, il procède de son vivant à plusieurs ventes, probablement pour financer sa vie mondaine d’homme de lettres parisien. Notamment, le 30 janvier 1903, il vend un terrain à la Société d’Habitations à Bon Marché qui construira une série de logements, créant du même coup l’actuelle rue du Trou au Chien, bifurcation de la route du Phare au niveau de la Sente du Val Criquet.

Jean Lorrain est décédé le 30 juin 1906. Après son décès, un comité a été formé par Georges Normandy, un ami proche de Jean Lorrain, pour ériger un monument en sa mémoire. Le règlement de la succession de Jean Lorrain a lieu en 1907. Plusieurs lots sont constitués et l’adjudication a lieu le 30 juillet 1907 à l’hôtel de Ville de Fécamp avec publicité dans les journaux. Quelques années plus tard, la mère de l’écrivain fait un legs d’argent à la municipalité de Fécamp, à la Société des Gens de Lettres et à deux autres personnes le 11 novembre 1922.

Plaque du chemin Martin Duval, situé sur un terrain ayant appartenant à la famille Duval.

Jean Lorrain et Fécamp

Jean Lorrain avait une relation paradoxale avec Fécamp, une ville qu’il aimait et détestait à la fois. Jean Lorrain considérait Rocheville, villa familial de style Louis XIII, conçue par l’architecte havrais Husson, comme le château qu’il aurait rêvé d’avoir. La maison est située au milieu d’un jardin anglais, en face de la retenue des chasses. La propriété a été vendue en 1881 pour 120 000 francs. Le terrain abrite aujourd’hui l’école Jean Lorrain et les locaux de la Formation Professionnelle Continue du Lycée Maritime Anita Conti. Elle est en mauvais état, mais il me semble que le bâtiment est en cours de restauration.

La villa Rocheville en 2012 (photo de l’auteur)

Fécamp est omniprésente dans son œuvre, notamment dans Les Lépillier et Villa mauresque. Il critiquait la bourgeoisie locale, mais restait attaché à l’imaginaire maritime et aux traditions de la ville.

Malgré la réputation sulfureuse de Jean Lorrain, la ville de Fécamp a fini par lui rendre hommage. Un monument a été érigé en sa mémoire en 1912, et une avenue porte son nom depuis 1927. Cependant, cette reconnaissance a été tardive et parfois ambivalente, reflétant le malaise de la ville face à l’image controversée de l’écrivain. En outre, un legs d’argent à la municipalité par sa mère, Pauline Mulat, a été revendiqué par la ville et finalement clos en 1932.

Un artiste controversé

Les Lépillier, publié en 1885, est un roman socio-politique qui dépeint une fresque sociale de Fécamp au début de la Troisième République. Ce roman est particulièrement important car il critique ouvertement la bourgeoisie locale, ce qui a valu à Jean Lorrain l’inimitié de certains de ses pairs, tout en lui valant une certaine reconnaissance littéraire.

La mauvaise réputation de Jean Lorrain s’explique par plusieurs facteurs : ses mœurs extravagantes, son homosexualité, et surtout, sa critique acerbe de la bourgeoisie dont il était issu. Il oscillait entre la reconnaissance par les « gens de lettres » et le rejet par son milieu social d’origine. Selon Pierre Bourdieu, cela reflète les luttes symboliques entre les artistes et les bourgeois, et la tension entre « l’art pur » et « l’art commercial ».

Conclusion

Jean Lorrain s’inscrit donc dans un contexte littéraire marqué par l’autonomie croissante de l’écrivain. Son œuvre reflète les tensions sociales de la fin du XIXe siècle, notamment les inégalités et les luttes de classe. Sa vie et son œuvre peuvent être analysées à travers le prisme des théories de Pierre Bourdieu sur le champ littéraire, qui mettent en évidence les rapports de force entre les agents sociaux et les enjeux de pouvoir. Son rapport à Fécamp illustre aussi la complexité des relations entre un artiste et sa ville natale.

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